vendredi 22 avril 2011

Marcel, A.J. (1983). Conscious and Unconscious Perception: Experiments on Visual Masking and Word Recognition

Dans la première expérience, ils ont fait passer des mots masqués en amorçage, et ont demandé soit une tâche de détection, soit une tâche graphique, soit une tâche sémantique. Au fur et à mesure que le temps entre l'amorce et la cible diminuait (SOA), on voyait une disparition de la détection, puis du graphique, puis du sémantique. Dans l'expérience 2, ils ont contrôlé que le choix était passif, et qu'il n'y avait pas de stratégie, en refaisant la même chose mais en regardant bien que le graphique ne pouvait pas aider à la reconnaissance sémantique et inversement. Dans l'expérience 3, il s'agit de faire une tâche de Stroop avec un amorçage inconscient de la couleur du mot, ou d'une couleur incongruente. Dans l'expérience 4, ils ont modifié le type de masquage, et dans l'expérience 5, ils ont observé un possible effet facilitateur lorsque l'amorce était répétée plusieurs fois.
 Le premier principe auquel ils se réfèrent, central en perception à l'époque, est le principe d'identité, selon lequel les représentations de l'information consciente sont les mêmes que celles qui découlent des sens et de la motricité.
Le deuxième principe est celui du la microgénèse perceptive, qui correspond au fait qu'un percept n'est pas instantanément un percept, mais qu'il passe par plusieurs étapes d'intégrations et s'unifie petit à petit. Au départ, un percept n'est pas une unité, et n'arrive pas directement aux zones corticales...
On voit également apparaitre le modèle hiérarchique de la perception (discuté dans l'article précédent de Shamma, 2008) comme quoi on commence par percevoir les caractéristiques de haut niveau (globales) pour ensuite voir les caractéristiques de bas niveau (précises). Cette théorie est dérivée de l'idée de microgénèse perceptive, comme quoi il y aurait un processus temporel d'accès à l'information perceptive. En conséquence, on peut donc dire que le fait qu'un mot soit un mot vient plus vite que le fait qu'il soit composé de telle ou telle lettre (le global avant le précis).
Le principe du masquage placé après l'amorce est justement là pour stopper la course de la perception et donc empêcher sa reconnaissance. Du coup, les participants sont encore capables de dire qu'il s'agit d'un mot mais sans reconnaitre les lettres à l'intérieur (le côté graphique testé).

Expérience 1 

Dans cette expérience, ils ont essayé de voir quelles informations sur les mots étaient accessibles, en faisant varier les SOA (temps entre le début de l'amorce et le début de la cible). Ils ont regardé la détection, les caractéristiques graphiques et le sens sémantique.

Méthode
24 sujets, 240 mots de 4 à 8 lettres. Ils ont choisi les mots de sorte que la moitié soit similaire graphiquement entre l'amorce et la cible, et de sorte que la moitié soit relié sémantiquement.
Dans un premier temps, il faisaient une tâche de détection pour déterminer le seuil de perception en terme de SOA où il y avait moins de 60% de détection, et ils calibraient l'expérience en variant le SOA entre 5 ms au dessus de leur seuil  de détection et 20 ms en dessous, de 5ms en 5ms. Pour chaque SOA, il y avait 120 essais, dont 40 de chaque type de décision.

Résultats
La première observation est que le seuil de détection est extrêmement variable selon les participants. 3 sujets ont refusé faire des jugements de catégorisation et des jugements graphiques sur ce qu'ils ne percevaient même pas. Ils ont également écarté les sujets utilisant une stratégie de réponse, pour au final ne garder que les participants "passifs".
  • Les performances graphiques et sémantiques étaient meilleures que les performances de détection pour tous les sujets passifs, mais pour aucun sujet stratégique. 
  • Avec la réduction du SOA, on voit une diminution des performances, d'abord sur la détection, ensuite sur le jugement graphique, et enfin sur le jugement sémantique. Quand il n'y avait plus de détection possible, il y avait toujours entre 80 et 100% de jugements graphiques et sémantiques corrects. Quand les jugements graphiques tombaient à 60-70% de correct, il restait encore 80% de jugements corrects sur le sémantique. 

Expérience 2

Dans l'expérience 1, on a vu que le jugement graphique et sémantique était encore possible quand la détection consciente ne l'était plus. On a vu également qu'il était possible d'avoir une stratégie et ainsi de biaiser les résultats, qui ne montraient alors plus de différence entre ces aspects.
Une hypothèse intention sélective peut être émise: les participants font ce qu'on leur demande, c'est à dire juger le graphique ou le sémantique du mot masqué. Mais on peut émettre aussi l'hypothèse d'une réponse orientée, où il y aurait une reconnaissance des caractéristiques communes entre l'amorce et une des cibles du choix forcé, et donc que la réponse tendrait vers le mot dans le choix forcé qui ressemble le plus, de manière automatique, et orientée avant le choix même.
Ils ont donc changé les mots du choix forcé en les faisant varier négativement avec le graphique ou avec le sémantique. C'est à dire que cette fois, il y avait un mot qui ressemblait visuellement (graphique), et l'autre ressemblait sémantiquement. Les effets disparaitraient alors si c'est l'hypothèse de réponse orientée qui est valide, et il n'y aurait pas d'influence si c'est l'hypothèse d'intention sélective.

Méthode
Les participants étaient les sujets passifs de l'expérience 1. Ils ont donc utilisé en mot cible soit un mot proche graphiquement (selon un coefficient calculé), soit proche sémantiquement. Ils ont pris un seuil de 10ms sous le seuil de détection. Il y avait 20 essais de choix forcé.

Résultats
Ils ont observé cette fois-ci une prédominance de l'information graphique, qui était plus solide que l'information sémantique, alors qu'ils ont trouvé l'inverse dans l'expérience 1.
L'idée est que l'information graphique est plus importante que l'information sémantique, seulement quand les deux sont disponibles, mais que quand c'est ou l'un, ou l'autre, le sémantique persiste plus longtemps à de courts SOA.

Expérience 3


Certaines critiques ont montré qu'une mesure directe était insuffisante pour les expériences en inconscient. Le choix forcé étant un choix direct, il a fallu recueillir les temps de réponse, donnée indirecte, pour confirmer les résultats.

Méthode
6 participants, Ils ont déterminé les SOA critiques de la même manière que pour les autres expériences, et ceux-ci allaient de 30 à 80ms. Ils ont fait 4 conditions, selon que la couleur (on utilise cette fois-ci une copie de la tache de Stroop, en inconscient) arrive en même temps ou 400 ms après le mot, et selon que le masque soit présenté de sorte qu'il n'y ait pas détection (sous le seuil), ou qu'il puisse y avoir détection du mot avant (au dessus du seuil). La tâche était de cliquer sur les boutons correspondants à la couleur de l'écran. Bien entendu, comme avec la tâche de Stroop, ils ont manipulé la congruence entre le mot et la couleur (soit congruent, soit incongruent), avec en plus une condition contrôle ou le mot n'était pas une couleur et une autre condition contrôle ou il n'y avait pas de mot du tout.

Résultats
Les sujets n'ont pas rapporté avoir vu les mots quand ceux-ci étaient masqués sous le seuil.
  • Il y a un effet principal du type de mot (congruent/incongruent à la couleur), ainsi qu'un effet du masquage et du temps entre le mot et l'écran de couleur (s'il était présenté directement ou plus tard). La congruence et l'incongruence avaient un effet facilitateur sur le traitement de la couleur. 
Ces résultats vont contre les effets classiques de la tâche de Stroop, à savoir une augmentation du temps de réponse, un effet d'interférence. Il est fort probable que cet effet d'interférence n'intervienne en fait que quand il y a accès à la lexicalité du mot, et que ce ne soit donc pas interférent sous les seuils de détection, étant donné que les caractéristiques sont faiblement perçues ou altérées. Quand il n'y a accès au lexical ou au sémantique que de manière subliminale, il semblerait que l'interférence se transforme en facilitation, du simple fait que les deux soit des couleurs.

Expérience 4

Dans cette expérience, ils ont comparé les types de masques. Il y a d'un côté les masques périphériques (marche avant et après l'amorce, dépend de l'énergie) et les masques centraux (ne marche que quand il suit l'amorce, marche binocculairement, correspond à un pattern). (concepts un peu flous, je suis désolé...)
Au final, il semblerait que le masque central soit moins adapté car des informations d'association sont possibles.
L'idée principale est que cette différences d'effets pour les différents types de masquage résulterait du fait que les masques d'énergie (périphériques) dégraderait l'information du stimulus, en tout cas sur les formes. Il faut donc faire bien attention aux masques utilisés pour déterminer les seuils qu'on considère en détection. Cela pose problème vis à vis de toutes les études qui utilisent un masque énergique pour rendre leurs stimuli subliminaux. 

Expérience 5

La question est maintenant de savoir quelles sont les informations restantes quand on utilise l'autre masquage, à savoir le masquage par pattern (pattern masking) et comment elle est liée à la perception consciente?

Méthode
Ils ont fait passer 10 étudiants dans l'expérience qui consiste à effectuer soit une tâche de décision lexicale (mot ou pas) soit de détection (présence/absence). La séquence de l'amorce était répétée soit 1, 2, 4, 8, 12, 16 ou 20 fois avant la présentation de la cible. Ils ont fait varier le temps entre les amorces (500ms ou 1000ms). 500ms après la fin des répétitions, un signal sonore était lancé, et ensuite le sujet avait à effectuer la tâche demandée (détection ou catégorisation). Pour chaque nombre de répétition, il y avait 40 décisions lexicales et 40 détections à faire par sujet.

Résultats
  • Aucun effet n'a été observé du nombre de répétition sur le temps de réponse pour les mots non associés à l'amorce. 
  • Pour les mots reliés à l'amorce, par contre, on avait un effet très significatif du nombre de répétition, ainsi que de l'intervalle entre les amorces (1000 ou 500ms), avec une interaction significative, qui signifie que l'effet de relation amorce-cible est plus important pour un grand nombre de répétition avec un intervalle de 500ms. 
  • Il y a un effet du nombre de répétition significatif pour chaque intervalle inter-amorce (IRI).
  • Par contre, on arrive à un effet plafond plafond plus tôt avec l'IRI de 500ms que 1000ms. 

Discussion
L'effet d'association: L'association amorce-cible est d'autant plus forte que l'amorce a été répétée en grand nombre de fois. La force de l'association semble néanmoins avoir un effet plafond plus tôt à 500ms d'intervalle entre les répétitions qu'à 1000ms. Cela n'affecte pas les cibles non reliées, néanmoins. L'effet est néanmoins plus fort avec 500ms, même s'il atteint un plafond plus tôt. Pourquoi ?
Les auteurs pensent que c'est à cause d'une "désactivation" de ce que l'amorce active dans le cerveau. Si on laisse trop de temps, la trace cérébrale de la perception de l'amorce diminue trop, et quand on la présente une nouvelle fois, la quantité d'activation dans le cerveau sera moins importante que si l'intervalle est plus court et que la désactivation n'a pas pu se faire autant.

Détection: le nombre de répétition n'a pas d'effet sur la détection. On a ici une dissociation qui tendrait à prouver que les processus de détection et de catégorisation ne sont qualitativement pas les mêmes, c'est à dire qu'ils sont sûrement dans des réseaux neuronaux différents.

Dans cette expérience, ni la quantité de fois où c'est répété, ni l'énergie ne semblent être en lien avec l'accès à la conscience. Les conclusions de l'expérience 5 ne sont pas que le masque de pattern laisse intact la représentation iconique. Ca laisse intacte ce qu'il faut pour savoir si c'est un mot ou pas, mais pas pour le détecter. L'idée est que la détection ne serait pas, comme la catégorisation, dépendante d'un seuil, mais juste de la disponibilité de certaines informations perceptives...

Il faut néanmoins garder en tête que toute expérience d'amorçage se doit de faire des mesures indirectes, et que ce qu'on appelle "subliminal" dépend beaucoup des critères de détections qu'on a. Ce qui est subliminal dans une expérience ne le sera pas dans une autre.
Le plus important, dans ces expériences, est la preuve que le meilleur masquage est le masquage par pattern, qui garde intact les informations sur le stimulus, mais qui le rend juste non accessible à la conscience.

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